Le ministre de l’Intérieur a fait connaître ses premières intentions en
matière de politique migratoire, et nous déplorons qu’y manque l’engagement
impératif de mettre un terme aux violences policières à l’encontre des migrants
et réfugiés. De même, aucun mot n’a été prononcé pour annoncer la fin de
l’intimidation à l’égard de citoyens ou associations, qui sur le terrain
s’efforcent d’assurer accueil et solidarité à leur égard. Deux priorités qu’il
faut d’urgence mettre en œuvre au regard des situations qui prévalent à Paris,
de nouveau à Calais, à la frontière franco-italienne, mais aussi ailleurs en
France.
Pourtant, la situation actuelle le démontre implacablement : la
gestion répressive des migrations internationales et le non-respect du droit
d’asile qui prévalent dans la plupart des pays d’Europe, et en France en
particulier, sont un échec effroyable. Tout d’abord parce que les guerres, les
violations des droits humains, l’aggravation des inégalités et les catastrophes
climatiques jettent un nombre incompressible de personnes sur les routes de
l’exil, et aucune police au monde ne pourra jamais empêcher des jeunes de
chercher à se construire un avenir, ou des familles de vouloir protéger leurs
enfants.
Ensuite parce que « tarir les flux d’arrivées », selon les mots
mêmes du Ministre, relève de l’illusion et du mensonge, que nous payons au prix
fort : des milliers de vies perdues chaque année en Méditerranée ou sur
les autoroutes d’Europe, des centaines de millions d’euros gaspillés tous les
ans, d’insupportables souffrances humaines, mais aussi des territoires sous
tension, des bénévoles et des citoyens choqués et épuisés… De tels choix
politiques fracturent nos territoires, dressent les hommes et femmes les uns
contre les autres et nourrissent le rejet de l’autre et le repli sur soi.
Nous, membres d’associations nationales, collectifs de migrants ou citoyens
réunis dans des initiatives locales de solidarité avec eux, composons une
grande partie de la « société civile » organisée, qui tous les jours
sillonne le terrain pour pallier les manquements, l’aveuglement et l’inhumanité
des politiques publiques. Nous avons vu des dizaines de milliers de personnes,
ces derniers mois, s’engager, dans leurs quartiers ou dans leurs villages, pour
témoigner de l’humanité la plus élémentaire : offrir réconfort et dignité
à des personnes accablées par des parcours de souffrance et de danger, voyant
leurs droits fondamentaux tout simplement niés par les autorités de l’État.
Face à ce qui constitue un véritable « état d’urgence », nous
appelons les responsables politiques et administratifs à poser les vraies
questions : notre conception de la justice admet-elle que des militants de
solidarité soient harcelés, et jugés comme délinquants, ou que des
distributions alimentaires soient interdites par arrêté municipal ? Les
droits fondamentaux que nous aspirons à voir respectés à travers le monde
sont-ils compatibles avec la détention de milliers de personnes qui ont pour
seul tort d’avoir cherché à survivre et bâtir un avenir meilleur ?
Nous qui construisons chaque jour une France solidaire et accueillante,
nous appelons donc le Président de la République et le Premier Ministre à
convoquer d’urgence une conférence impliquant tous les acteurs, afin qu’émergent
des politiques alternatives d’accueil et d’accès aux droits empreintes de
solidarité et d’humanité.