Ils
étaient des milliers…
Leïla
Ahmed Tarik et les autres. Mêmes silhouettes titubantes, mêmes
visages torturés, mêmes habits de misère. Depuis quand
dérivent-ils dans l'embarcation de fortune qui peine et tangue dans
l'effort de les contenir tous ?
Les
craquements de la coque et les appels au secours se confondent dans
le hurlement de la houle.
Dans
un cercle de lumière -une lampe à pétrole, sa flamme vacille,
prête à renoncer- quelques-uns qui vivent encore chuchotent. Vite,
vite, dire encore, avant de se taire à jamais.
La mer, sourde à leurs prières, rugit.
La mer, sourde à leurs prières, rugit.
Magma
de corps en fond de cale. Parmi eux, Ahmed ? Tarik ? Et
cette femme piétinée, est-ce Leïla ?
Etreints
par l'horreur ils ne voient plus rien, même pas la lune -ou le
soleil ? - au-dessus d'eux.
Les
vagues enflent.
Vont
les engloutir.
Au
loin, mirage sur le sable, le sourire d'une mère, ses appels, il est
temps de cesser de jouer, reviens reviens sur le rivage l
Tout
s'efface maintenant.
L’embarcation
secouée sens dessus dessous ne résiste plus. Encore quelques
minutes et il ne restera plus rien de Leïla, Ahmed, Tarik. Tout à
l’heure ils ne seront plus que des chiffres approximatifs dans la
voix d’un journaliste -encore un naufrage en Méditerranée.
Bientôt,
cet été peut-être, la mer vomira sur une plage des restes de
corps. Un tatouage, ou un bracelet, crieront qu’ils s’appelaient
Leïla, Ahmed, Tarik.
Besançon , le 4 XII 2016