Une voix magnifiquement dérangeante
Il se sera trouvé une voix ! Je veux dire une voix
assez claire et libre pour être entendue sur la terre entière. À plusieurs
reprises, cette parole soulagea la honte — avouée ou inavouée — qui nous
habitait, face à tant de cynisme, d’égoïsme, d’inhumanité.
Quand des hommes, des femmes et des enfants commencèrent à mourir par milliers en Méditerranée ; quand des humains se virent soumis à une « traite » abjecte dans leurs efforts pour atteindre une terre d’accueil, nos décideurs donnèrent l’impression de regarder ailleurs. Oh, certes, un peu partout en Europe, les « importants » multiplièrent les réunions, les calculs et les chipotages. Les ténors des partis politiques prononcèrent quantité de discours à double fond et affichèrent des postures avantageuses. À l’exception notable d’Angela Merkel, en Allemagne.
Quand des hommes, des femmes et des enfants commencèrent à mourir par milliers en Méditerranée ; quand des humains se virent soumis à une « traite » abjecte dans leurs efforts pour atteindre une terre d’accueil, nos décideurs donnèrent l’impression de regarder ailleurs. Oh, certes, un peu partout en Europe, les « importants » multiplièrent les réunions, les calculs et les chipotages. Les ténors des partis politiques prononcèrent quantité de discours à double fond et affichèrent des postures avantageuses. À l’exception notable d’Angela Merkel, en Allemagne.
Il se sera donc trouvé une voix, pour poser une question
simple : cet Érythréen, ce Syrien ou ce Libyen est-il, oui ou non, ton
frère en humanité ? La force et la portée de cette parole furent telles
que son écho déborda largement les limites du monde chrétien. En Europe, des
personnalités aussi peu « cléricales » que l’ancienne commissaire
européenne Emma Bonino, adversaire traditionnelle de l’Église, dut reconnaître que
le pape était le seul à élever la voix. Comme pour son encyclique Laudato si sur l’écologie, inspirée —
jusque dans son titre — par François d’Assise, le pape François renouait avec
une fonction prophétique et témoignait d’une « vision » qui fait
défaut à (presque) tous les dirigeants politiques.
Prophétique ? Dans ses textes et ses interviewes, le
pape évoque souvent les migrants climatiques qui « portent le poids de
leur vie à la dérive ». Il mentionne la volonté d’Ignace de Loyola,
fondateur de la Compagnie de Jésus, d’accueillir les pauvres dans ses locaux de
Rome. Il cite le cas du père Arrupe, créateur en 1981 du Service jésuite des
réfugiés.
À plusieurs reprises,
il ironise sur notre promptitude à défendre nos droits, alors même que nous
sommes moins pressés de défendre les droits des autres. Au passage, il ose
s’adresser aux « chers religieux et religieuses » pour leur
dire : « Les couvents vides ne vous appartiennent pas, ils sont pour
la chair du Christ, que sont les réfugiés ».
Oh, bien sûr, cette parole est dérangeante. Disons qu’elle
est juste assez dérangeante pour réveiller nos âmes « habituées »,
pour reprendre Charles Péguy. J’avoue
avoir été moi-même dérangé et même troublé par cette ouverture évangélique
qui risquait d’aboutir, en Europe, à des résultats politiques désastreux. Je
pense à la montée des égoïsmes, des replis identitaires, et en conséquence des
partis d’extrême droite. Dans « La Vie », j’ai cru devoir exprimer
mon trouble à ce sujet. Je m’y sentais autorisé par le fait que le pape
François n’a jamais nié qu’il existait une (vraie) question migratoire,
laquelle comme on l’a vu, peut être source de tensions sociales et politiques
redoutables.
Cette redoutable « question », il voudrait simplement
que les Européens l’affrontent « ensemble », en adoptant des
« politiques justes » et des « législations adéquates ». Et
cela, avant que la Méditerranée ne devienne un immense cimetière.