mardi 24 janvier 2017

Bernard Klingelschmidt



« Comme une cigogne, j’ai migré en Alsace »
Cette phrase que Thierno, « migrant clandestin de 15 ans » m’avait écrite en dédicace de son livre lors d’un débat organisé à Sélestat en décembre 2015 m’avait interpellé. J'ai pensé qu'elle pourrait avoir sa place (avec tout son livre-témoignage) dans ce « cri de Strasbourg », car elle est une parole de migrant qui ne peut laisser indifférent les alsaciens.

La cigogne est en effet un symbole alsacien de vie « puisque la tradition veut qu’elle apporte des bébés » et que par ses claquettements, elle annonce le printemps. Mais ne l’oublions pas , ce symbole est d’abord lié au fait que la cigogne est un oiseau migrateur qui ne se contente pas de poser pour les touristes puisque naturellement elle a besoin pour vivre de fuir notre hiver pour rejoindre les pays chauds (en particulier l'Afrique) et revenir au printemps dans nos régions tempérées pour se reproduire, n’hésitant pas ainsi à voler au- dessus des frontières en faisant parfois plusieurs milliers de kms.
Et nous les hommes, pourquoi ne pouvons- nous pas concrétiser aussi, pour tous, ce droit de « circuler librement et de choisir notre résidence » (article 13 de la déclaration des droits de l'homme de 1948) sans prendre d'énormes risques pour nos vies?
Pourtant, avec plusieurs de nos associations du collectif pour une autre politique migratoire, nous pouvons témoigner que des migrants quittant leur pays pour fuir des conditions climatiques, des guerres...apportent aussi souvent des richesses de vie humaine (et peut être de printemps) dans notre monde quelquefois trop froid . Alors pourquoi ces peurs, pourquoi ces murs, pourquoi cette « Europe forteresse », pourquoi ces politiques de fermeture des frontières ?
Certes, des personnes, des familles, des associations ou des collectivités acceptent cette interpellation en les accueillant, fraternellement en défiant ce qui est défini parfois un « délit de solidarité » ... en apportant ainsi « leurs gouttes d'eau ». Si ces initiatives sont positives et qu'il faut les encourager partout , face à cette crise mondiale des migrations, ne faut -il pas aller plus loin en dépassant l'approche de solidarité citoyenne et aussi celle d'une autre politique nationale ou européenne ?
Avec le CCFD-Terre solidaire, engagé avec 450 partenaires dans le monde pour un monde plus juste, plus humain et plus solidaire, nous demandons que ce cri de Strasbourg, siège du Parlement européen soit celui d'un appel à engager la France et tous les pays européens à ratifier la « Convention des Nations Unies pour la protection des droits des travailleurs migrants et leurs familles ». Entrée en vigueur en 2004 et ratifiée par une cinquantaine de pays dans le monde, cette convention n'est à ce jour ratifiée par aucun pays européen. Alors si l'Europe veut rester toujours « championne des droits de l'homme » elle doit s'engager aux côtés de l'ONU? Cette convention est en effet, à ce jour le texte le plus abouti en matière de droit international dans le domaine des migrations car elle donne corps à une approche supranationale concertée, en soulignant la nécessité d'une gouvernance multilatérale fondée sur les droits fondamentaux des personnes ».
Bernard Klingelschmidt président du CCFD-Terre solidaire du Bas Rhin