dimanche 15 janvier 2017

Charlotte Marchandise-Franquet

A mes frères et sœurs humains.

Tout quitter.
Sa maison, son quartier, son histoire, ses proches. Avec l’espoir de revenir, peut-être, dans quelques années.
Tout quitter sans rien savoir de l’avenir, ni même où l’on va,  où vos enfants grandiront… Prendre ce qu’on peut emmener, ce qu’on pourra monnayer, ce qui permettra de survivre … et tout laisser. Laisser sa vie parce qu’il n’y a plus rien à manger, parce que les bombes ont déjà tout recouvert de cendres et de gravats, parce que les armes ont déjà fait taire certains et hurler d’autres, parce que la violence est partout présente, parce qu’on est femme, ou croyant, ou athée, parce qu’on est autre…
Laisser sa vie là-bas, parce que la misère est y inhumaine. 

Au même moment, nous Européens, vivant dans des pays en paix, circulons dans nos maisons chauffées et lumineuses, mangeons avec nos enfants autour de tables garnies, dormons dans nos lits chauds. Nos songes habitent nos nuits comme la fuite habite les leurs.
Nos voitures et nos trains nous font avancer vers nos buts.

Au même moment, eux montent sur des rafiots de fortune, grelottent, tanguent, écopant dans la nuit et priant pour retrouver la terre avant de mourir. Ces hommes, ces femmes, ces enfants marchent et dorment par terre, marchent et ne savent plus ce qu’est un lit ou un repas de famille, marchent et se heurtent aux murs, aux grillages, aux frontières que nous avons établis pour les empêcher de rejoindre notre havre de paix et de sécurité, hors de notre vue, hors de nos oreilles.

Leurs fantômes hantent nos rêves, à nous qui n’avons pour mérite que d’être nés au bon endroit pour avoir le droit de vivre paisiblement.

Réveillons-nous pour que la citoyenneté du monde de la déclaration des droits de l’Homme devienne notre boussole.
Réveillons-nous pour que le mot “Fraternité” écrit au frontispice de nos mairies, de nos écoles, prenne tout son sens.
Réveillons-nous pour que notre humanité ne se noie pas dans la mer Méditerranée.
Charlotte Marchandise-Franquet