Tout
quitter.
Sa
maison, son quartier, son histoire, ses proches. Avec l’espoir de revenir,
peut-être, dans quelques années.
Tout
quitter sans rien savoir de l’avenir, ni même où l’on va, où vos enfants
grandiront… Prendre ce qu’on peut emmener, ce qu’on pourra monnayer, ce qui
permettra de survivre … et tout laisser. Laisser sa vie parce qu’il n’y a plus
rien à manger, parce que les bombes ont déjà tout recouvert de cendres et de
gravats, parce que les armes ont déjà fait taire certains et hurler d’autres,
parce que la violence est partout présente, parce qu’on est femme, ou croyant,
ou athée, parce qu’on est autre…
Laisser
sa vie là-bas, parce que la misère est y inhumaine.
Au même
moment, nous Européens, vivant dans des pays en paix, circulons dans nos
maisons chauffées et lumineuses, mangeons avec nos enfants autour de tables
garnies, dormons dans nos lits chauds. Nos songes habitent nos nuits comme la
fuite habite les leurs.
Nos
voitures et nos trains nous font avancer vers nos buts.
Au même
moment, eux montent sur des rafiots de fortune, grelottent, tanguent, écopant
dans la nuit et priant pour retrouver la terre avant de mourir. Ces hommes, ces
femmes, ces enfants marchent et dorment par terre, marchent et ne savent plus
ce qu’est un lit ou un repas de famille, marchent et se heurtent aux murs, aux
grillages, aux frontières que nous avons établis pour les empêcher de rejoindre
notre havre de paix et de sécurité, hors de notre vue, hors de nos oreilles.
Leurs
fantômes hantent nos rêves, à nous qui n’avons pour mérite que d’être nés au
bon endroit pour avoir le droit de vivre paisiblement.
Réveillons-nous
pour que la citoyenneté du monde de la déclaration des droits de l’Homme
devienne notre boussole.
Réveillons-nous
pour que le mot “Fraternité” écrit au frontispice de nos mairies, de nos
écoles, prenne tout son sens.
Réveillons-nous pour que notre humanité ne se noie pas dans la mer Méditerranée.
Réveillons-nous pour que notre humanité ne se noie pas dans la mer Méditerranée.
Charlotte Marchandise-Franquet