Parce que chaque année ils sont plus nombreux à mourir en mer
Parce qu’il est légitime d’aspirer à une vie meilleure
Parce que les lanceurs d’alerte et ceux qui viennent secourir les migrants ne peuvent éternellement se substituer aux Etats
Parce que les frontières aujourd’hui sont devenues si liquides qu’elles impriment et blessent jusqu’au corps des migrants
Parce que les exilés, avant de monter en mer, ont vécu la torture, les sévices sexuels, la perte de ceux qui leur étaient chers
Parce que ceux qui ont vécu les blessures du froid et de la chaleur doivent être réchauffés et rafraîchis
Parce que ceux qui ont eu faim et soif doivent être nourris et hydratés
Parce que ceux qui ont perdu leurs proches doivent être consolés et embrassés
Parce que la lutte des corps épuise
Parce que les familles et les mineurs sont toujours plus nombreux
Parce que les femmes et les hommes n’en peuvent plus de porter leurs enfants en mer
Parce que leurs enfants ne sont peut-être pas les nôtres, mais que leurs morts sont nos morts
Parce que l’Europe est leur seule bouée
Parce que leurs bateaux sont fragiles, parce que beaucoup ne savent pas nager
Parce que la guerre contre les passeurs ne fonctionne pas mais fragilise encore les migrants
Parce que les drones, les radars à infra-rouge, les navires de guerre sont impuissants face au désir de liberté
Parce que la frontière-réseau ne décourage pas ceux qui partent mais les vulnérabilisent
Parce que ceux qui arrivent ne sont pas accueillis dignement
Parce que l’Europe étouffe de son inhospitalité
Parce qu’une autre Europe est possible
Camille Schmoll
Université Paris 7 Diderot - Umr Géographie-cités - Institut Universitaire de France