dimanche 15 janvier 2017

Laurent Grandguillaume

Des voix crient, un appel pour les migrants à Strasbourg.

Jean Jaurès disait avec raison : « Quel que soit l'être de chair et de sang qui vient à la vie, s'il a figure d'homme, il porte en lui le droit humain.  »
La construction du continent européen et surtout de l’union européenne était avant tout une construction sociale. Un désir d’unifier et de pacifier un continent, des hommes et des femmes, d’être une terre d’accueil.

La France et plus généralement l’Europe est un terre d’asile ancestrale. Mais aujourd’hui par peur, par repli sur soi, par haine parfois, l’Europe se referme sur elle-même.
L'asile est un droit fondamental et l'accorder à ceux qui ont besoin de protection est une obligation internationale, reconnue par la Convention de Genève, la Charte des droits fondamentaux et par l'acquis européen. Dans l'Union européenne, espace d'ouverture des frontières et de la liberté de circulation, les Etats membres partagent les mêmes valeurs fondamentales et doivent avoir une approche commune pour garantir aux demandeurs comme aux réfugiés des normes élevées de protection. Les procédures doivent à la fois être justes et efficaces mais aussi permettre de lutter contre les abus. Elles doivent aussi être uniformes d'un Etat à l'autre de sorte que, quel que soit l'Etat où la demande est déposée, la réponse apportée soit similaire et le degré de protection égal.
Le régime d'asile européen commun, ensemble de textes législatifs fixant des normes et procédures communes aux Etats membres de l'Union européenne en matière de protection internationale, doit offrir aux demandeurs comme aux bénéficiaires un statut uniforme et un degré égal de protection sur tout le territoire de l'Union. Cette politique commune européenne est à mon sens une idée essentielle qui pourtant s’est perdue dans des considérations de gestion de chiffres et non de l’humain, des hommes et des femmes qui arrivent chaque jours sur notre continent fuyant des guerres, des persécutions, des mariages forcés.

Etablir des règles communes favorables à  un accueil décent de ces hommes, de ces femmes et de ces enfants est essentiel et urgent pour éviter des traitements différenciés, pour éviter aussi que certains pays s’extraient de leurs obligations d’accueil.

Il faut également casser les croyances. Certes l’Europe est une terre d’accueil mais l’essentiel des migrations se fait entre pays du sud. Par ailleurs, la France n’est que le troisième pays européen en termes d’accueil de demandeurs d’asile.

Pour qu’il y’ait une politique européenne en matière d’asile il nous faudra combattre les peurs, combattre la primauté du chiffre sur l’humain et rappeler nos valeurs communes.

Rappelons-nous que l’immigration a été très bénéfique pour la France et pour l’Europe. Selon une étude récente menée par trois économistes [ Hippolyte d’Albis, Ekrame Boubtane et Dramane Coulibaly] sur la relation entre immigration et croissance économique en France, fondée sur les modèles économétriques en usage au FMI, la contributions des travailleurs étrangers à l’économie se révèlerait positive. Le bénéfice pour la société serait de l’ordre de 300 millions par an, soit cinq euros de PIB par an et par Habitant de 1994 à 2008.

Nos populations immigrées constituent une part fondamentale de ce que nous sommes. Qu’il s’agisse de grands savants, médecins et praticiens, artistes, musiciens et champions sportifs, ou de grandes figures des milieux d’affaires, d’entrepreneurs ou des hommes et des femmes à la tête de petites entreprises, ils sont tellement nombreux ! C’est là notre histoire, celle d’un pays ouvert, divers et accueillant. Et j’en éprouve une immense fierté.

Si la solution est européenne elle est aussi locale. Les expérimentations, les innovations sociales qui se mettent en place dans nos territoires sont aussi essentielles à cette politique de l’asile. J’en veux pour preuve l’ouverture de Centre d’hébergement dans des petites villes telle que Pouilly en Auxois en Bourgogne. Le centre accueil une soixantaine de demandeurs d’asile qui étaient à calais. Un partenariat a été mis en place avec le centre social du village. Des comités de vie sociale se réunissent régulièrement avec les hébergés et la population. Ce sont des lieux de régulation de la vie collective. Ils visent également à susciter la participation des hébergés au fonctionnement du centre. Les demandeurs d’asile ont été encouragés à intégrer les associations locales culturelles et sportives. Nombreux sont ceux à avoir obtenu le statut de réfugié à avoir exprimé le souhait de s’installer dans la région.

L’implantation locale, le partage avec la population, les initiatives associatives sont aussi importante que la mise en place d’une réelle politique européenne d’asile.

Laurent GRANDGUILLAUME

Député de la Côte-d’Or