La plupart des exilés qui viennent
chercher asile en Europe ont subi des violences qui rendaient leur
vie dangereuse ou insupportable dans leur pays. Que ces violences
n’entrent pas toujours dans le cadre de la convention de Genève
(violences familiales, économiques, maffieuses, climatiques,
conséquences de la corruption et de l’absence d’Etat de droit,
etc.) n’enlève rien à leur gravité et au devoir qui devrait être
le nôtre de les accueillir dignement.
Or c’est tout le contraire
qui se passe et nous assistons même en tant que soignants à une
aggravation très préoccupante des conditions d’accueil. Aux
effets délétères pour les familles de la précarité matérielle
dans laquelle elle sont maintenues (absence d’hébergement,
personnes durablement à la rue, ou dans les dispositifs d’urgence),
s’ajoute un discours de suspicion généralisée entretenu par tous
les acteurs de l’État, du plus haut niveau ministériel au plus
petit fonctionnaire de l’administration, en passant par les
responsables des agences dépendant de l’État comme les ARS,
l’OFII, etc.. Ce discours de suspicion a pour effet d’autoriser
les abus de pouvoir et l’arbitraire dans le traitement des
demandes, et de favoriser un racisme ordinaire, le sadisme de
certains professionnels et la montée de la haine. Pour qui sait
lire, c’est exactement ce que dénonce Jacques Toubon dans son
dernier rapport en tant que Défenseur des droits.
Les conséquences psychologiques chez
des étrangers ainsi maltraités sont dramatiques. Cette violence
vient répéter et redoubler la violence qui les a amenés dans notre
pays.
C’est l’ensemble des fondements
d’une politique de l’asile et de l’immigration qu’il faut
revoir : réviser les critères donnant droit à l’asile et au
séjour ; autoriser les demandeurs d’asile à travailler ;
appliquer les directives du Défenseur des droits et notamment celles
qui visent les abus de pouvoir, l’arbitraire et la discrimination
vis-à-vis des étrangers au sein de l’administration ; et enfin
avoir le courage d’une politique d’accueil large et ouverte qui
se revendique comme telle.
Nous sommes au-delà d’un appel à la
compassion ou au sens moral et humain le plus élémentaire. Il
s’agit de la survie de notre société et des attaques contre les
piliers qui la fondent : la cohésion sociale et l’acceptation
de l’altérité. L’histoire a amplement montré combien la
ségrégation du bouc-émissaire ne connaissait pas de point d’arrêt
naturel : il y a toujours un nouveau bouc-émissaire qui fait
suite au précédent pour faire les frais de la haine et de la
jouissance morbide à exclure. Jusqu’au désastre final et
suicidaire.