dimanche 8 janvier 2017

Bertrand Piret

La destruction de notre société par la suspicion à l’égard de l’autre

La plupart des exilés qui viennent chercher asile en Europe ont subi des violences qui rendaient leur vie dangereuse ou insupportable dans leur pays. Que ces violences n’entrent pas toujours dans le cadre de la convention de Genève (violences familiales, économiques, maffieuses, climatiques, conséquences de la corruption et de l’absence d’Etat de droit, etc.) n’enlève rien à leur gravité et au devoir qui devrait être le nôtre de les accueillir dignement.
Or c’est tout le contraire qui se passe et nous assistons même en tant que soignants à une aggravation très préoccupante des conditions d’accueil. Aux effets délétères pour les familles de la précarité matérielle dans laquelle elle sont maintenues (absence d’hébergement, personnes durablement à la rue, ou dans les dispositifs d’urgence), s’ajoute un discours de suspicion généralisée entretenu par tous les acteurs de l’État, du plus haut niveau ministériel au plus petit fonctionnaire de l’administration, en passant par les responsables des agences dépendant de l’État comme les ARS, l’OFII, etc.. Ce discours de suspicion a pour effet d’autoriser les abus de pouvoir et l’arbitraire dans le traitement des demandes, et de favoriser un racisme ordinaire, le sadisme de certains professionnels et la montée de la haine. Pour qui sait lire, c’est exactement ce que dénonce Jacques Toubon dans son dernier rapport en tant que Défenseur des droits.
Les conséquences psychologiques chez des étrangers ainsi maltraités sont dramatiques. Cette violence vient répéter et redoubler la violence qui les a amenés dans notre pays.
C’est l’ensemble des fondements d’une politique de l’asile et de l’immigration qu’il faut revoir : réviser les critères donnant droit à l’asile et au séjour ; autoriser les demandeurs d’asile à travailler ; appliquer les directives du Défenseur des droits et notamment celles qui visent les abus de pouvoir, l’arbitraire et la discrimination vis-à-vis des étrangers au sein de l’administration ; et enfin avoir le courage d’une politique d’accueil large et ouverte qui se revendique comme telle.

Nous sommes au-delà d’un appel à la compassion ou au sens moral et humain le plus élémentaire. Il s’agit de la survie de notre société et des attaques contre les piliers qui la fondent : la cohésion sociale et l’acceptation de l’altérité. L’histoire a amplement montré combien la ségrégation du bouc-émissaire ne connaissait pas de point d’arrêt naturel : il y a toujours un nouveau bouc-émissaire qui fait suite au précédent pour faire les frais de la haine et de la jouissance morbide à exclure. Jusqu’au désastre final et suicidaire.