« Avec les migrants, où est passée notre humanité ? »
Notre indifférence nourrit la haine que les peuples voueront à
une Europe où les droits de l’homme ne sont plus qu’une déclaration.
L’inexorable exode des damnés de la terre qui fuient
l’Afrique, ses conflits
et la désertification. Derrière les chiffres qui effraient et qui effacent les
hommes et leurs souffrances, peut-on mettre des visages et des histoires ? Peut-on surtout réaliser que cela pourrait être chacun d’entre nous si le hasard de la loterie
génétique et géographique ne nous avait pas fait naître du bon côté de la barrière ?
Le pire n’est pas dans l’incapacité de l’Europe à faire face à cette tragédie ordinaire, mais dans l’absence
de l’expression d’une simple volonté. Pas la moindre organisation humanitaire
digne de ce nom face à des horreurs annoncées et si prévisibles. L’Europe
démontre, si besoin était, sa faiblesse politique et le peu de cas que nous faisons de nos valeurs.
L’histoire témoigne de
situations où l’Europe et la France ont su gérer l’accueil de déplacés très nombreux sans provoquer de chaos. Je pense notamment aux conséquences de la
guerre au Vietnam (en 1979,
au moment de la crise des boat people, nous avons accueilli 150 000
personnes) ou de l’indépendance algérienne.
Et nous mégotons sur des quotas sordides, la France
peinant à proposer d’accueillir 30 000 réfugiés dans les deux
années qui viennent. Cette arithmétique glaciale est juste un déni de réalité.
Toutes les barrières du monde ne pourront endiguer cette vague de détresse. Il en est du désespoir comme
de l’eau : rien ne l’arrête, elle finit toujours par trouver son chemin.
Mettons-nous une seconde dans la peau de ces pauvres
damnés qui ont fui la barbarie et la mort, ont rejoint l’Europe ou ses
frontières au terme d’une odyssée inhumaine pour échouer ici ou là dans un nouvel enfer, parqués comme des
pestiférés.
J’ai conscience qu’on ne répond pas aux crises avec de
bons sentiments. Plus encore, j’ai conscience de l’extrême complexité, de la
gravité de la situation et d’être incapable d’esquisser un scénario de
résolution. Mais peut-on distinguer dans cet entrelacs ce qui procède du traitement au
long terme, notamment la fin du conflit syrien, et de la misère en Afrique, de
l’urgence humanitaire pure, et s’y concentrer prioritairement ?
Juste pour dire qu’heureusement, dans l’ombre et sans soif de
reconnaissance, il y a une belle citoyenneté qui agit, des héros invisibles. Notons
la magnifique initiative civile et européenne de l’ONG SOS Méditerranée –
associée à Médecins du monde – qui, avec son bateau Aquarius, est la seule à assurer une veille permanente en haute mer pour secourir les naufragés. C’est en creux une honte pour
l’Europe… Comment 28 Etats n’ont-ils pas été capables de réunir une flotte humanitaire pour sauver des vies que l’on sait à l’avance en péril ? On
peut et on doit encore le faire.